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Bonjour !
Alors voilà, première mouture de la « lettre d’informations » promise il y a quelque temps. Merci aux personnes qui se sont inscrites.
Ici, c’est enfin un peu de repos après le vortex infini de l’après thèse : le manuscrit livre est presque prêt (je coupe, je coupe, encore...), les invitations en séminaires sont passées, je peux me remettre à lire, chercher, traiter les tâches de fond que j’avais dû trop longtemps laisser de côté. Notamment, donc, la mise en ligne de certains textes qui traînaient.
Toute fraîche, sur le carnet : « Le féminisme est-il une théorie littéraire ? ». Je reprends là les notes d’un cours de master donné cet automne à l’Université de Lausanne, encadré par Marc Escola. Le premier volet − d’une série de trois − commence à répondre à cette question un peu paradoxale, en tout cas sciemment provocatrice, en prenant pour point de départ la base, c’est à dire une mise au point sur l’état de la théorie littéraire, « domaine partial ».
Trois propositions (il y en aura quinze au total) :
Moins fraîches, mais fraîches quand même, deux publications scientifiques : l’une, publiée dans Mouvances francophones, l’autre, dans Savoirs en lien. Les deux reprennent un peu le principe méthodologique de la thèse : ce sont des états des lieux de deux questions (celle de la définition de « politique », celle de l’usage de la « sororité »).
« Politiques des sexes : la littérature dans la zone à défendre ». En France, au Québec, en Belgique, en Suisse, au cours des années 1970-1980, des écrivaines réfléchissent à ce que sont les « politiques des sexes ». Le féminisme ne peut se passer de la politique de gouvernement : il en exige des réformes. En même temps, il en conteste l’étroitesse éthique et pragmatique. Il faut donc redéfinir le politique : en réagencer les zones à défendre, repenser les stratégies d’investissement qui peuvent concrètement concerner les femmes. La littérature joue là le rôle d’un laboratoire d’expression et de promotion d’anarchismes, mieux ou plus politiques que « la » politique.
Spoiler, il y a notamment cet extrait que j’aime bien :
[...] C’est ainsi par exemple que Claire Lejeune, « en [s]a belgitude », considère que son rapport à la « citoyenneté poétique » est différent de celui des Françaises, car elle n’a pas eu, elle, à « [s]’affranchir du poids héréditaire d’un prestigieux modèle, la république »: « la Cité en [elle] n’a pas d’archétype qui[la] concerne plus personnellement que la république platonicienne où [s]a situation d’indésirable fait l’objet d’un texte constitutionnel ». « Poète et femme », c’est donc en Belge aussi qu’elle s’engage dans la remise en question de la « Cité bien ordonnée » du langage et de la culture patriarcales. [...]
« (Petites) sœurs de lutte et de littérature : l’ambigu “entre femmes” des littératures féministes ». Dans le contexte féministe, la notion de sororité renvoie à une condition partagée – « sœurs de viols » –, elle est aussi le synonyme du terme « camarade ». Mobilisée, problématisée, tour à tour fantasmée et rejetée, la sororité devient également un « nouveau style » et, surtout, un moyen de penser l’espace littéraire « entre femmes ». La « petite sœur » de littérature fait ainsi son apparition aux côtés de la « sœur » de lutte. Loin d’être utilisés naïvement, ces termes font l’objet de méfiances autant que d’espoirs.
C’est notamment l’occasion de revenir sur « sororité » et lesbianisme − puisque l’injonction à être « sœurs » entraîne, quand même, quelques problèmes...
[...] Dans les grandes mythologies lesbiennes de la période, on ne croise pas de sœurs humaines, mais des amantes, des amies et des amazones, parfois des « société[s] secrète[s] » de femmes échappées d’un « monde pourri » ; ou bien des sœurs en effet, mais animales, comme le souligne, dans le Brouillon pour un dictionnaire des amantes, le leitmotiv présentant les juments des amazones comme « leurs sœurs, leurs animales totèmes ». [...]
Une parution dont je recommanderais particulièrement la lecture : « Pratiques situées. Critique en action des modes de production du savoir universitaire », coordonné par Kamila Bouchemal, Akila Kizzi, Lily Robert-Foley et Heta Rundgren, revue Itinéraires, n° 2023-2.
L’appel aux « pratiques situées » est né d’un travail collaboratif autour des Lectures féministes, des rencontres où nous avons envisagé d’autres façons de concevoir le savoir universitaire et d’être ensemble dans les contextes universitaires. Outre les moments de joie et de solidarité, ces rencontres ont servi d’exutoire aux sentiments de colère et de frustration face aux conditions de travail de celleux qui sont précarisé·es par les institutions et les pratiques universitaires et face à la reproduction des rapports de pouvoirs, de race et de genre, notamment. Mais plus le travail collectif avançait, plus nous sommes devenu·es conscient·es d’une contradiction centrale dans nos positionnements : les discours, les structures, les dispositifs de citationnalité et de légitimisation exigés par les pratiques académiques nous conduisent souvent à reproduire, malgré nous, les processus mêmes contre lesquelles nous luttons [...] ils se cachent dans le tissu, les fils conducteurs de nos lectures, nos écritures. Comment alors faire de la recherche autrement, même dans un article de recherche ?
Deux des coordinatrices − Lily Robert-Foley et Heta Rundgren − animeront aussi la prochaine séance du séminaire « La Littérature à l’oblique », intitulée « Traduire pour rompre le contrat hétérosexuel ». Elle aura lieu le 14 mai à Paris, 18h-20h (sans visio).
Proposant un aperçu des perspectives qu’offrent les pratiques de traduction féministes et queer pour chacune de nous, les intervenant·es de cette séance partiront de leurs savoirs et pratiques situées. [...] Un premier temps d’entretien entre Lily et Heta sera suivi par une discussion collective et un temps d’atelier de traduction créative, plurilingue, peut-être même ludique.
À noter, le séminaire est sur sa fin : la séance suivante, qui sera aussi la dernière (et l’occasion de fêter ces deux ans et demi de séminaire), portera sur la question de la bisexualité en littérature. Elle aura lieu le 27 juin.
👉 Toutes les infos pour l’inscription sur le site de PhilomelÀ suivre aussi, la journée d’étude inaugurale du groupe « Cultures et images lesbiennes », organisée par Mathilde Arnau, Camille Senoble et Louise Toth. Elle se tiendra le 2 mai à Paris.
Au programme, de la littérature, de l’histoire, du cinéma, de l’iconographie, de la photo, des archives, de la bande dessinée. La journée s’annonce passionnante.
👉 Toutes les infos sur le site du laboratoireJe signale aussi la disparition, le 8 avril, de Cathy Bernheim, militante de la première heure du mouvement des femmes français, et écrivaine centrale de l’histoire lesbienne française. Plusieurs journaux ont publié des hommages (voir notamment sur Libération) ; sur Mastodon, j’ai publié quelques extraits de L’Amour presque parfait, en guise de « femmage » (« lesbiennage » ?).
Et un écho à l’article cité plus haut, puisque Cathy Bernheim y est citée :
Hep, vous là-bas, qui vous dites nos sœurs, vous ne voudriez pas nous laisser vous parler de notre sexe à nous, les lesbiennes ?
Voilà : à la prochaine !
Aurore.