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Bonjour !
J'avais prévenu que cette lettre d'informations ne serait pas exactement spammante : nous voilà cinq mois après.
Ici, c’est jour de manif, donc. Rentrée en fanfare même si, enfin, on aimerait mieux s'en passer. En petit décalage de ton, j'envoie quand même.
Pour le reste : c'est la rentrée, la préparation des cours, la reprise des directions d'ouvrages, la mise à jour des dossiers de recherche. Le livre est parti en épreuves, on est en train de choisir sa couverture, j'en donnerai bientôt des nouvelles. Ma résolution de rentrée : essayer de moins flinguer ma santé dans cette vie « turbo » d'entre plusieurs villes, en ralentissant un peu (comme je peux) (et cela implique notamment de faire le plus possible de promenades à vélo sur les berges du Doubs).
Second épisode de la série commencée au printemps, sur le carnet, « Le féminisme est-il une théorie littéraire ? » : cette fois j'essaie de dire que ce n'est peut-être pas exactement cela, mais qu'en tout cas, il peut en parler. Ce second billet cite particulièrement des idées soulevées par Donna Haraway. Il est bien sûr question de théorie littéraire, mais aussi de singes, de géocritique, de cinéma, de mathématiques. (Sachez que je suis très fière de mon choix d'illustration, bien qu'il soit discutable).
Quatre propositions, après les trois premières, avant les six dernières :
Parmi les autres publications personnelles, une scientifique (en anglais) : dans Intertexts, revue comparatiste, pour un numéro dirigé par Pierre Zoberman intitulé « (Re-en)gendering Intertextuality: Queer Pasts and Futures ».
« About a lesbian “memory of texts”: “lesbian literature” as a problematic and (re-en)gendering category ». Le point de départ est pris, ici, dans l'idée que pour définir ce que peut être une histoire « lesbienne » de la littérature, on est obligée de prendre en considération l'importance centrale d'un critère d'intertextualité. Parce que, d'un côté, il faut lutter contre l'effet « palimpseste » identité par Audrey Lasserre, qui fait que l'histoire littéraire des femmes est perpétuellement réécrite et réoubliée. Parce qu'en outre, il y a une minorisation spécifiquement liée au sujet « minoritaire », homosexuel. Comme le dit Wittig, ces écrivaines du lesbianisme arrivent sur une scène littéraire qui programme multiplement leur effacement. L'une de leurs ressources est bien celle de l'intertextualité : les écrivaines se citent, s'inscrivent dans une histoire nommée, identifiée et théorisée (restons dans le thème du jour) comme lesbienne, pour pouvoir être à leur tour identifiées comme telles. C'est donc une « mémoire des textes » particulière qu'on peut constater à l'époque des années 1970-1980. Mais cette démarche est aussi retorse, lorsqu'on la réplique du côté du geste de recherche. Paradoxalement, plus on donne d'importance au critère de l'intertextualité, plus on marginalise celles qui font moins partie des réseaux, disons, majoritaires parmi les minoritaires. Celles qui ne sont pas citées disparaissent.
Une des idées que j’aime bien, dans cet article, est celle qui rapproche l'intertextualité lesbienne d'une sorte de placard : parce que les références ne sont pas toujours limpides pour un public non averti, parce qu'il y a à la fois mise en évidence et dissimulation.
[...] Secrecy continues to be the key to survival since it preserves and protects by controlling what can be filtered out. Intertextuality may thus be understood as a textual modality of the closet: a method for performance, for showing and hiding, for building both precarious and significant links, partly made obvious for those who know and care about lesbian history, partly made invisible and insignificant for the others. [...]
Sur des thématiques à la fois féministes et lesbiennes toujours, je signale aussi une petite recension de l'ouvrage « Le Mouvement féministe est un complot lesbien ». Une anthologie (1969-1974, USA), paru en mai dernier aux Rotolux Press. Je vous spoile son dernier paragraphe, qui résume le (grand) intérêt que j'y vois :
Bel objet, le livre est donc, aussi, signe d’un féminisme et d’un lesbianisme résolument matérialistes. Il souligne que l’histoire des pensées et luttes féministes et lesbiennes est continue, y compris dans ses renouvellements et dans ses conflits : elle est contemporaine et toujours vive de ses propres élans, ruptures et contradictions. L’anthologie répond ainsi, concrètement, à l’appel des militantes lesbiennes des années 1970, « à la recherche, à l’archivage et à la diffusion », comme bases fondamentales de tout travail politique. Elle n’est pas seulement le témoin d’un moment historique – souvent oublié, parfois mythologisé au contraire –, elle est aussi un appel à la reconnaissance du coude-à-coude des générations et des courants qui font les combats et les débats du jour, pour comprendre ce qui reste à faire et à écrire aujourd’hui.
Je signale aussi en passant qu'en juin, Écrire à l'encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours est reparu en poche, trois ans donc après la première publication. Nous avons apporté quelques petites modifications au texte ici ou là, mais surtout, le volume est désormais plus abordable : il est en vente à 13 €. Comme pour la première édition, 80 % des droits d'auteur-ices sont reversés à la LIG, fonds de dotation féministe et lesbien (l'édition brochée nous a déjà permis de verser 2 252 € à l'association).
👉 Voir sur la page du Cavalier BleuParmi les autres parutions à signaler, dans le même registre : « Pour une histoire des écrits queers », édité par Guy Chevalley, Nathalie Garbely et Edward Mandry sur Le Courrier.
Les œuvres et auteur·ices LGBTQIA+ de Suisse romande sont peu visibles, et même invisibles avant l’an 2000. Une équipe de recherche s’est donné pour but de les sortir de l’ombre. Elle explique ici la genèse du projet, avec la volonté de « faire archive » en chemin. Une investigation portée par la petite maison romande Paulette Editrice.
Également la traduction de Joanna Russ, Comment torpiller l'écriture des femmes, par Cécile Hermelin et avec une préface d'Élisabeth Lebovici.
Dans ce classique de la critique féministe publié en 1983 aux États-Unis et traduit pour la première fois en français, Joanna Russ dresse un panorama acéré des techniques d’empêchement, d’effacement et de dénigrement qui s’abattent depuis des siècles sur les femmes qui osent prendre la plume. [...] En décortiquant les stratagèmes du sexisme ordinaire dans le monde des lettres, Russ signe un formidable anti-manuel de silenciation des femmes autrices, qui n’a perdu ni de son actualité ni de sa force critique.
Autre registre ! Paru en avril dernier, un billet d'Audrey Safa et Clothilde Saunier sur Zettlr, « À la recherche d'un logiciel libre pour l'écriture ». Vous savez que c'est ma came. L'article est très clair.
Lors de nos mémoires, la centaine de pages et notes de bas de page liées à Zotero ont rendu la fin de l’écriture et de la mise en page extrêmement laborieuse. Chaque modification de références ou de notes de bas de page faisait alors buguer LibreOffice et/ou Zotero. Après cette expérience ponctuée de sueurs froides, changer d’éditeur de texte semblait nécessaire pour la thèse. [...] de fait, dès qu’on commence notre doctorat, on entend très rapidement des mésaventures de doctorant·es en fin de thèse qui passent des nuits blanches à rectifier leur manuscrit sur Word ou LibreOffice, enchaînant bugs, modifications aléatoires de mises en page et autres références manquantes. [...]
Et enfin, sur recommandation de mon amie-collègue Suzel Meyer, je suggère de lire ce billet (en anglais) de Brandon Taylor sur ce que cela signifie de « relire » quelqu'un-e (un-e étudiant-e, un-e ami-e, un-e collègue...). Il parle d'écriture créative, cela s'applique aussi à l'écriture scientifique. De mon côté, j'aime beaucoup relire et je crois que je tombe d'accord avec beaucoup de ses constats (ou espoirs !)
When someone brings a novel to a discussion group or a crit group or workshop or feedback group, they are sometimes under the delusion that what they are getting is a simulation of a wild-type encounter. You should stop thinking this. A feedback group is the most extremely artificial encounter your work will ever experience. [...] These people are writers, first of all, and second of all, they are writers who are under a social contract to offer you feedback. So, no, it’s not like a random stranger at all and should not be governed by those expectations. I think it’s insane that people will bring twenty pages from a book and show it to you and be like, “What do you think?”
Un appel encore en cours (jusqu'au 5 octobre) pour un colloque à Liège : « Inventer en revue. Expérimentations esthétiques et éditoriales dans les revues de poésie francophone, 1970-2000 ». L'appel est notamment diffusé sur fabula.
Et un autre, pour une publication sous la direction de Cornelia Möser et Maria Teresa Mhereb : « Traductologie féministe ? Histoire et actualité d’un courant critique ». Je ne trouve pas l'appel en ligne, je l'ai reçu via la liste EFiGiES.
Voilà ! À la prochaine.
Aurore.
Bonjour !
Alors voilà, première mouture de la « lettre d’informations » promise il y a quelques temps. Merci aux personnes qui se sont inscrites.
Ici, c’est enfin un peu de repos après le vortex infini de l’après thèse : le manuscrit livre est presque prêt (je coupe, je coupe, encore...), les invitations en séminaires sont passées, je peux me remettre à lire, chercher, traiter les tâches de fond que j’avais dû trop longtemps laisser de côté. Notamment, donc, la mise en ligne de certains textes qui traînaient.
Toute fraîche, sur le carnet : « Le féminisme est-il une théorie littéraire ? ». Je reprends là les notes d’un cours de master donné cet automne à l’Université de Lausanne, encadré par Marc Escola. Le premier volet − d’une série de trois − commence à répondre à cette question un peu paradoxale, en tout cas sciemment provocatrice, en prenant pour point de départ la base, c’est à dire une mise au point sur l’état de la théorie littéraire, « domaine partial ».
Trois propositions (il y en aura quinze au total) :
Moins fraîches, mais fraîches quand même, deux publications scientifiques : l’une, publiée dans Mouvances francophones, l’autre, dans Savoirs en lien. Les deux reprennent un peu le principe méthodologique de la thèse : ce sont des états des lieux de deux questions (celle de la définition de « politique », celle de l’usage de la « sororité »).
« Politiques des sexes : la littérature dans la zone à défendre ». En France, au Québec, en Belgique, en Suisse, au cours des années 1970-1980, des écrivaines réfléchissent à ce que sont les « politiques des sexes ». Le féminisme ne peut se passer de la politique de gouvernement : il en exige des réformes. En même temps, il en conteste l’étroitesse éthique et pragmatique. Il faut donc redéfinir le politique : en réagencer les zones à défendre, repenser les stratégies d’investissement qui peuvent concrètement concerner les femmes. La littérature joue là le rôle d’un laboratoire d’expression et de promotion d’anarchismes, mieux ou plus politiques que « la » politique.
Spoiler, il y a notamment cet extrait que j’aime bien :
[...] C’est ainsi par exemple que Claire Lejeune, « en [s]a belgitude », considère que son rapport à la « citoyenneté poétique » est différent de celui des Françaises, car elle n’a pas eu, elle, à « [s]’affranchir du poids héréditaire d’un prestigieux modèle, la république »: « la Cité en [elle] n’a pas d’archétype qui[la] concerne plus personnellement que la république platonicienne où [s]a situation d’indésirable fait l’objet d’un texte constitutionnel ». « Poète et femme », c’est donc en Belge aussi qu’elle s’engage dans la remise en question de la « Cité bien ordonnée » du langage et de la culture patriarcales. [...]
« (Petites) sœurs de lutte et de littérature : l’ambigu “entre femmes” des littératures féministes ». Dans le contexte féministe, la notion de sororité renvoie à une condition partagée – « sœurs de viols » –, elle est aussi le synonyme du terme « camarade ». Mobilisée, problématisée, tour à tour fantasmée et rejetée, la sororité devient également un « nouveau style » et, surtout, un moyen de penser l’espace littéraire « entre femmes ». La « petite sœur » de littérature fait ainsi son apparition aux côtés de la « sœur » de lutte. Loin d’être utilisés naïvement, ces termes font l’objet de méfiances autant que d’espoirs.
C’est notamment l’occasion de revenir sur « sororité » et lesbianisme − puisque l’injonction à être « sœurs » entraîne, quand même, quelques problèmes...
[...] Dans les grandes mythologies lesbiennes de la période, on ne croise pas de sœurs humaines, mais des amantes, des amies et des amazones, parfois des « société[s] secrète[s] » de femmes échappées d’un « monde pourri » ; ou bien des sœurs en effet, mais animales, comme le souligne, dans le Brouillon pour un dictionnaire des amantes, le leitmotiv présentant les juments des amazones comme « leurs sœurs, leurs animales totèmes ». [...]
Une parution dont je recommanderais particulièrement la lecture : « Pratiques situées. Critique en action des modes de production du savoir universitaire », coordonné par Kamila Bouchemal, Akila Kizzi, Lily Robert-Foley et Heta Rundgren, revue Itinéraires, n° 2023-2.
L’appel aux « pratiques situées » est né d’un travail collaboratif autour des Lectures féministes, des rencontres où nous avons envisagé d’autres façons de concevoir le savoir universitaire et d’être ensemble dans les contextes universitaires. Outre les moments de joie et de solidarité, ces rencontres ont servi d’exutoire aux sentiments de colère et de frustration face aux conditions de travail de celleux qui sont précarisé·es par les institutions et les pratiques universitaires et face à la reproduction des rapports de pouvoirs, de race et de genre, notamment. Mais plus le travail collectif avançait, plus nous sommes devenu·es conscient·es d’une contradiction centrale dans nos positionnements : les discours, les structures, les dispositifs de citationnalité et de légitimisation exigés par les pratiques académiques nous conduisent souvent à reproduire, malgré nous, les processus mêmes contre lesquelles nous luttons [...] ils se cachent dans le tissu, les fils conducteurs de nos lectures, nos écritures. Comment alors faire de la recherche autrement, même dans un article de recherche ?
Deux des coordinatrices − Lily Robert-Foley et Heta Rundgren − animeront aussi la prochaine séance du séminaire « La Littérature à l’oblique », intitulée « Traduire pour rompre le contrat hétérosexuel ». Elle aura lieu le 14 mai à Paris, 18h-20h (sans visio).
Proposant un aperçu des perspectives qu’offrent les pratiques de traduction féministes et queer pour chacune de nous, les intervenant·es de cette séance partiront de leurs savoirs et pratiques situées. [...] Un premier temps d’entretien entre Lily et Heta sera suivi par une discussion collective et un temps d’atelier de traduction créative, plurilingue, peut-être même ludique.
À noter, le séminaire est sur sa fin : la séance suivante, qui sera aussi la dernière (et l’occasion de fêter ces deux ans et demi de séminaire), portera sur la question de la bisexualité en littérature. Elle aura lieu le 27 juin.
👉 Toutes les infos pour l’inscription sur le site de PhilomelÀ suivre aussi, la journée d’étude inaugurale du groupe « Cultures et images lesbiennes », organisée par Mathilde Arnau, Camille Senoble et Louise Toth. Elle se tiendra le 2 mai à Paris.
Au programme, de la littérature, de l’histoire, du cinéma, de l’iconographie, de la photo, des archives, de la bande dessinée. La journée s’annonce passionnante.
👉 Toutes les infos sur le site du laboratoireJe signale aussi la disparition, le 8 avril, de Cathy Bernheim, militante de la première heure du mouvement des femmes français, et écrivaine centrale de l’histoire lesbienne française. Plusieurs journaux ont publié des hommages (voir notamment sur Libération) ; sur Mastodon, j’ai publié quelques extraits de L’Amour presque parfait, en guise de « femmage » (« lesbiennage » ?).
Et un écho à l’article cité plus haut, puisque Cathy Bernheim y est citée :
Hep, vous là-bas, qui vous dites nos sœurs, vous ne voudriez pas nous laisser vous parler de notre sexe à nous, les lesbiennes ?
Voilà : à la prochaine !